Déposé le 21/06/2013 à 14h11
Extrait du texte qui a servi de base à l'intervention en commissions réunies des Affaires sociales et de la Justice du 12 juin 2013.
(...) Le premier enseignement porte donc sur le fait qu'il n'existe pas de consensus sur l'existence d'une demande d'euthanasie de la part des mineurs qui soit suffisamment établie. Cela relève du fait exceptionnel, du fait rarissime. Je ne dis pas que cela n'existe pas. Nous avons rencontré des médecins qui nous ont dit avoir été confrontés à ces situations, mais à quelle fréquence ? Sur trente années de carrière en service d'oncologie pour enfants et adolescents, un médecin nous a dit qu'il avait été une fois confronté à cette demande qui s'avérait, à l'analyse, fondée et pertinente. Ici même, plusieurs médecins nous ont répété que cela relevait de l'exceptionnel.
Une première question est donc de savoir s'il convient de légiférer pour répondre à des situations exceptionnelles ? Nous ne le pensons pas.
Le deuxième enseignement que nous tirons de ces auditions porte sur la capacité de discernement du mineur. Comment évaluer ce discernement ? Doit-il être évalué par un tiers ? Faut-il fixer une limité d'âge ? 16 ans, 15 ans, 14 ans... ? C'est une vraie question, à laquelle aucun élément évoqué lors des auditions ne semble fournir une réponse satisfaisante.
Parce que lorsque l'on parle d'enfant, de jeune atteint d'une maladie grave, irréversible, on peut considérer que le fait de vivre une épreuve de cette ampleur confère au jeune une maturité plus précoce. Et donc une capacité de discernement plus aiguë que d'autres jeunes du même âge qui ne sont pas confrontés à de tels séismes. Et c'est sans doute vrai dans beaucoup de cas. Mais d'autres personnes, – médecins, psychologues, personnel soignant -, nous ont aussi partagé l'idée que le jeune est parfois aussi une « éponge » à l'égard de son entourage. Un entourage la plupart du temps en grande souffrance. Que ce jeune donc, est amené à porter le poids de la souffrance de ses propres parents. Une situation qui pourrait précipiter, voire hâter une demande d'euthanasie qui prendrait les atours d'une délivrance généralisée.
Ce qui m'amène à évoquer la situation des parents souvent fort démunis pour faire face à la situation d'un enfant condamné à terme, parfois à court terme. C'est tout le sens des maisons de répit qui offre des moments de prises en charge, véritables ballons d'oxygène pour tout le monde : les enfants et les parents.
Derrière les acteurs ici évoqués, les enfants et les parents, se trament donc des enjeux liés à la communication entre les parties. Dire les choses, reconnaître la fin de vie, accepter d'entendre le désarroi... nécessitent de réelles compétences. C'est tout l'enjeu de la communication autour de la mort, autour de la demande de mort, autour de l'euthanasie. Nombreux sont les experts, médecins et membres du personnel soignant qui nous ont dit à quel point les questions de communication – la façon dont circule la parole- sont fondamentales mais trop souvent sous-estimées, sous-investies. Le projet thérapeutique d'une équipe, d'un service, d'une institution doit intégrer la fin de vie. Cela devient une réalité dans plusieurs services.
Mais force est de constater que ces enjeux, -la communication, le temps à prendre pour écouter et échanger-, ne peuvent être relevés par une loi.
Nous considérons donc que les législations sur la table ne répondent pas aux véritables enjeux qu'ont révélés les multiples auditions. De plus, une législation sert avant tout l'intérêt général, et non l'intérêt particulier.
Enfin, le jeune, le mineur est avant tout un être de relation. L'espoir qu'il projette dans son avenir provient du regard porté sur lui par son entourage. Introduire l'euthanasie comme choix possible revient à offrir au jeune un moyen de réponse pour soulager le désespoir qu'il perçoit parfois dans le regard que ses parents peuvent porter consciemment ou inconsciemment sur lui. Pour nous, cela représente une forme de violence. Nous ne le souhaitons pas.
(...) Entièreté du document fichier PDF ci-dessous.