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L'euthanasie comme aveu de l'incompétence médicale ?

Déposé le 03/04/2013 à 14h57  Catégorie Réflexions de soignants

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Les soins palliatifs sont tellement efficients que même les partisans de l'euthanasie disent que ne pas savoir soulager les souffrances physiques est aujourd'hui de l'incompétence médicale. L'euthanasie est donc surtout appliquée pour des souffrances de perte du sens de la vie telle qu'elle est. L'euthanasie est désormais banalisée, et certains déclarent, contrairement à l'esprit de la loi, qu'elle n'est plus ni une exception, ni une transgression éthique mais un accompagnement en douceur proposé pour éviter toute souffrance inutile, sans attendre un délabrement physique ou psychique insupportable. La demander est présenté comme un acte courageux, la pratiquer, comme un acte empli d'humanité.

La confusion ne s'arrête pas là. On présente la pratique euthanasique comme un choix libre, cela ne tient pas compte du terrain. Il s'agit plutôt de l'impasse dans laquelle se retrouve le patient qui n'a pas appris à intégrer sa nature humaine limitée et a réduit son être à sa sensibilité, à ses sensations. Il se croit dans l'incapacité d'intégrer ses richesses et ses pauvretés pour viser une unification de son être, source de guérison. Il réduit sa personne à sa souffrance et réduit le médecin à sa fonction. Il ne s'agit plus de « soigner toujours » en faisant un bout de chemin fraternel où l'on partage son impuissance, tout en découvrant qui l'on est vraiment dans cet échange; mais un lien particulier où le souffrant met en lumière la gravité de son mal, où les deux parties sont centrées sur ce dernier en lui donnant toute la place, pour se convaincre qu'il est insurmontable et doit être maîtrisé. Le médecin qui vise plutôt la santé de l'Homme et refuse de pratiquer l'euthanasie, perd la liberté de s'impliquer dans une relation d'alliance thérapeutique qui engage deux personnes en situation de fragilité. Il se retrouve dans l'impasse d'opposer un droit de conscience à un droit de créance.

La souffrance est subjective, non mesurable. Le fait qu'il s'agisse parfois de l'anticipation de celle-ci n'est déjà plus une difficulté. Au médecin est confié la tâche de reconnaître que la souffrance est réellement insupportable, qu'elle justifie de tuer dans le cadre de la loi. Exiger cela du médecin est lui donner un pouvoir plus dangereux encore que dans les décisions où il pourrait y avoir acharnement thérapeutique : celui de se croire capable d'évaluer la souffrance humaine. En devenant expert, il pourra donc se passer de la plainte actualisée de la personne âgée démente, et pourquoi pas de celle du nourrisson... Dans des situations de fin de vie, où l'activité psycho spirituelle est intense, des personnes changent complètement d'avis au sujet de leurs désirs. Des études scientifiques sur la qualité de vie des malades oncologiques démontrent que les items relevés comme signifiants pour la qualité de vie changent avec l'aggravation de la situation et la perte d'autonomie. Il n'est donc pas raisonnable de penser que l'on puisse être compétent sur le ressenti que l'on aura dans une situation dans laquelle on n'est pas encore. Si la déclaration anticipée de demande d'euthanasie est à durée illimitée pour la perte de conscience de soi, l'euthanasie sera pratiquée sur base du document, sans connaître le vécu de la personne à ce moment là. Il s'agit plus là d'idéologie que de soulagement d'une souffrance.

La psychologie du mineur, qui n'a pas la maturité de l'adulte, me semble peu solide pour éviter l'écueil d'une fausse liberté, surtout dans la société matérialiste actuelle. L'on sait par expérience qu'il est possible d'évoluer et traverser sa souffrance. Mais, comme pour d'autres apprentissages, le jeune a besoin d'être témoin du cheminement d'adultes souffrants pour trouver son chemin. Or, puisque toute personne a le droit de refuser des soins, qu'ils soient curatifs ou de confort, à condition d'avoir été éclairée et que les soins palliatifs sont désormais étiquetés d'acharnement par certains, il perdra confiance. Les progrès encore à faire pour optimiser l'accompagnement psychosocial et spirituel sont et seront étouffés dans l'œuf, car seul celui qui souffre peut nous mettre en demeure de compassion. Les soignants deviendront de plus en plus incompétents et donc intolérants. L'émerveillement qui émeut devant la dignité de celui qui souffre en Homme debout, devient dénigrement pour celui qui ne sait pas comment se comporter. L'euthanasie est une manière technique de prendre en compte la souffrance humaine. Peut-on vraiment considérer qu'il s'agisse d'un progrès ?

Le vulnérable, que ce soit l'enfant qui fait tout pour éviter à ses parents de souffrir à cause de lui, ou le vieillard qui ne veut pas être un fardeau pour ses proches, a tout à perdre du constat de nos incapacités, nos insuffisances de temps, de finances, de compassion...mais il n'est pas le seul !

Je donne mon avis à titre strictement personnel, en tant qu'oncologue, formée aux soins palliatifs et responsable d'une unité de soins palliatifs.


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