Euthanasie Stop - https://www.euthanasiestop.be

... étendre l'euthanasie aux enfants et aux personnes démentes ?

Recherche avancée OK
Euthanasie Stop > Je me demande sur quels critères on se base pour définir ce qu'est une vie décente

Je me demande sur quels critères on se base pour définir ce qu'est une vie décente

Déposé le 18/09/2017 à 14h49  Catégorie Témoignages

  • Imprimer

RP
Epouse

Je m'appelle R. P. En 2016, ma vie a basculé suite à de multiples Accidents Vasculaire Cérébraux (AVC) dont a été victime mon mari lors d'un examen des artères coronariennes en vue d'une opération au niveau de l'aorte qui présentait une dilatation, risque d'une mort soudaine. Lors de l'examen, des plaquettes de sang se sont déplacés ont bouché certaines artères du cerveau provoquant des dégâts notamment dans l'hémisphère droit de son cerveau.

Les premiers jours aux soins intensifs ont été assez éprouvants et, de suite, le personnel médical ne m'a pas donné beaucoup d'espoir, les prévisions étaient plus que pessimistes, "paralyse complète", selon eux, mon mari était en "état végétatif moins" avec aucune amélioration possible, ce qui veut dire qu'il serait incapable de réagir et d'interagir avec le monde extérieur. Alors qu'il bougeait les membres inférieurs, les tests d'évaluation (réponse aux commandes et stimuli) effectués par le personnel médical ne montraient selon eux aucune réaction positive, alors qu'avec nous, les membres de sa famille, il réagissait par des regards et des pleurs aux voix et à la présence des membres de notre famille et aux sujets abordés lorsque nous évoquions nos petits-enfants.

Suite à ce diagnostic, j'ai demandé à un ami cher de passer. Lors de cette visite, mon mari fut très agité et pleurait et il réalisait parfaitement ce qu'il était en train de vivre, mon fils aîné présent lui a ensuite parlé pendant un long moment et il m'a dit qu'il a vu dans son regard, sa présence et sa parfaite conscience et surtout plusieurs réactions émotives à travers des larmes lorsqu'il aborda certains souvenirs de son enfance.

Le jour suivant, mon mari a contracté le virus du staphylocoque doré au niveau des poumons, l'apparition de ce genre de virus est assez fréquente dans ce genre de milieu et l'intubation peut provoquer son développement. Il fut mis alors en isolement pour éviter une contagion des autres patients, et son état s'est alors fortement dégradé à travers une fièvre et sous la forme d'une pneumonie.

Toute la semaine suivante a été fort éprouvante car j'ai vraiment senti une insistance de la part des médecins afin de savoir quelles étaient les volontés de mon mari et si nous avions discuté de ce genre de moment alors que, dès le début, j'avais communiqué qu'étant croyante, je désirais, ainsi que mes enfants, défendre la vie, le soigner et donner du temps et une chance à mon mari sans pour autant entrer dans un processus d'acharnement thérapeutique. J'estimais que si mon mari continuait à respirer sans une machine c'est un signe de vie, mais apparemment pour le personnel médical, le fait de respirer n'est pas nécessairement un signe de vie.

Nous avons été étonnés que, moins d'une semaine après l'AVC, la conclusion sur les dégâts provoqués par l'accident vasculaire nous présentait l'avenir comme des plus sombres. Au-delà des séquelles graves due à l'AVC (coma, états végétatifs ...), il y avait un risque de mort par étouffement, une possibilité de rechute dans une pneumonie où était clairement contre-indiquée une ré-intubation pour le maintenir en vie, signe d'acharnement thérapeutique et donc une vie indécente. Je me demande sur quels critères on se base pour définir ce qu'est une vie décente.

Depuis toujours, on m'a appris que toute vie même très affaiblie est précieuse et unique, et j'ai été choquée que, dans un hôpital catholique, on puisse tenir de tels propos.

Le soir du dimanche suivant a été un moment charnière. Lorsque nous avons laissé mon mari, nous pensions qu'il vivait ses derniers instants, à notre retour à la maison nous avons tous songé aux funérailles. Le lendemain, lors de la visite du médecin dans sa chambre, devant mon mari, le médecin a dit que mon mari ne réagissait plus aux commandes et que son état se dégradait et qu'il serait mieux de lui administrer de la morphine afin de soulager sa douleur et de le laisser partir. Alors, mon mari a pris ma tête et l'a serré contre sa poitrine signe qu'il avait parfaitement compris ce qui avait été dit.

Ma sœur qui est infirmière a demandé à ce qu'il puisse continuer à être soigné et nourri afin de mettre toutes les chances de son côté. Son état s'est alors nettement amélioré et il a été transféré deux jours plus tard en neurologie où le docteur et les infirmières ont montré beaucoup d'humanité et je les remercie du fond du cœur.

Aujourd'hui 40 jours après son AVC, mon mari est en revalidation, il ne peut pas parler ni déglutir mais il marche un peu, il voit, entend et surtout réagit quand on lui parle de ses petits enfants, comme lors de son séjour aux soins intensifs d'ailleurs.

Peut-être son état ne s'améliorera-t-il pas ou seulement un peu après un mois de revalidation, mais je suis heureuse qu'il ait encore un peu de temps pour être parmi les siens, revoir et écouter ses enfants, ses proches et se laisser aimer. Pour ma part, je réalise que si avant j'aimais mon mari parce qu'il a été un bon époux et un bon père pour ses enfants, toujours disponible pour les aider et les encourager, aujourd'hui, j'éprouve pour lui une immense tendresse et je peux aussi comprendre à présent l'immense tendresse à laquelle nous sommes conviés envers les malades, les pauvres et les petits.


Les auteurs / contributeurs (Tous les auteurs)